Les déchus
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Passé et Mémoire

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Message  Tarà Jeu 28 Mai - 18:00

"Alaherenn Su'en, votre ouvrage est une véritable calamité, même un gnoll ferait mieux ... "

La jeune elfe, née Alaherenn, grandie Tarànis, dévisageait sa préceptrice à elle et ses deux soeurs d'un air méprisant et colèrique. Elle se retint de jeter la broderie au milieu de la pièce, de hurler, de s'arracher les cheveux, déchirer sa robe et sauter par le fenêtre du premier étage.
Broderie, lecture et écriture de poésies romantiques, arrangements floraux, leçons plus proches du calvaire que de l'agrément pour se tenir en société, étude du protocole, de l'usage de la magie ou de la lumière, ... de l'hypocrisie pure et dure parmi ses paires ...
Elle n'en pouvait plus ... et elle n'avait que neuf ans.

Sa préceptrice, anciennement nourrice également, Dame Isil, la tenait à l'oeil, plus encore que Smilacis du haut de ses six ans ou Maeliss de ses quatorze ans. Il fallait dire que ses deux soeurs étaient élégantes, manièrées et appréciaient cette vie précieuse qui les formait à devenir les futures femmes de la noblesse Queldorei. Elles recevaient les sourires appréciateurs de leurs parents, leurs félicitations lorsqu'on faisait leurs louanges ... mais pas Alaherenn. Son nom même signifiait La Douce, il chantait sur les lèvres des autres, il écorchait les siennes lorsqu'elle se nommait. Elle ne se sentait pas appartenir à cet univers.

Elle détourna son regard de celui de Dame Isil et croisa les bras sur sa poitrine en regardant ses points comme si on avait placé un coeur de troll sur ses genoux; non en fait, elle aurait même préféré.
Un éclat de rire de nez fit se dresser une de ses oreilles et elle ne vit pas le regard incendiaire que lui avait lancé la préceptrice en réponse à ce tic.

Maeliss badinait avec deux de leurs cousines, la petite Smilacis assise gracieusement sur un coussin pourpre à ses pieds regardait sa plus grande soeur avec un sourire qui frisait l'adoration. L'ouvrage de l'aînée était resplendissant, un paysage proche de la maison qu'elle reproduisait de mémoire, fort de couleurs ensoleillées, harmonie de tons qui s'épousaient subtilement, une artiste au caractère de feu qui s'épanouissait pleinement à travers une classe sans égale. Elle était déjà promise à un jeune paladin dont le nom n'interessait pas Alaherenn le moins du monde, mais qui avait une aussi grande renommée dans son domaine que sa jeune fiancée.

Celle-ci releva ses magnifiques yeux verts vers sa cadette qui n'eut pas le caprice de les soutenir.

"Qu'as-tu tracé Alaherenn? "demanda-t-elle avec une note d'amusement.

Leurs deux cousines pouffèrent avec une élégance maladroite et s'étrangèrent lorsque Dame Isil se racla la gorge.
Celle vers qui les regards s'étaient désormais tournés considéra son travail d'aiguille et ses yeux brillèrent, elle avait inventé les frondaisons d'une forêt que l'horizon de la mer et ses promesses de voyages illimités venaient prolonger, mais même si elle pouvait voir cette image dans sa tête, la réprésentation était piètre, chaotique, ses perspectives étaient abominables, ses couleurs juraient entre elles. Elle la cacha de ses bras récouverts de longues manches de soie mauve et le rire moqueur de Smilacis lui blessa les tympans.

"La borderie est un art exigeant ma chère soeur, tu devrais t'exercer d'avantage et je suis certaine que tu accomplirais des oeuvres qui feraient sourir Mère ... et non d'accablement dissimulé pour une fois" poursuivit l'aînée dont la voix dansait sur la frontière entre la taquinerie bonne-enfant et le mépris moqueur.
"Je ne vois guère en quoi manier une aiguille m'aiderait à mieux monter aux arbres.
-Tu aurais pu apprendre à coudre des tenues pour y grimper ... mais non, suis-je sotte, tu n'es pas un forestier ... Quoique la nuance soit subtile j'en conviens"

Et le rire devint de plus en plus difficile à contenir pour les trois demoiselles auprès de Maeliss qui esquissa un sourire de triomphe.


Dernière édition par Tarà le Lun 24 Aoû - 2:07, édité 2 fois
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Message  Tarà Jeu 28 Mai - 21:39

"Je solicite la permission de me retirer, demanda Alaherenn entre ses dents.
-Demoiselle Maeliss, allez embrasser votre soeur et vous excusez auprès d'elle pour vos parole blessantes d'abord" répondit Isil avec froideur.

L'aînée sourit simplement, offrit son ouvrage à Smilacis, qui le saisit avec une extrème précaution comme s'il s'agissait d'un trésor innestimable, et se leva avec grâce. Elle prit le temps de rajuster sa robe et glissa vers Alaherenn qui la fixait d'un air farouche.
Elle se pencha avec une infinie douceur et sa longue chevelure noire coula sur l'épaule de sa cadette qui frissonna. Les mêmes cheveux que leur mère, que les siens, mais jamais ils n'auraient une telle texture soignée et parfumée, lisses comme un surface d'un lac, légers comme un voile de soie.
Ses fines lèvres vermeilles éffleurèrent la joue d'Alaherenn, s'y attardant suffisament pour que son murmure ne fut entendu que d'elles seules.

"Je comprends que ces travaux te déplaisent petite soeur, peut-être ne les aimerais-je pas non plus si j'étais aussi mauvaise que toi, ne te préoccupe plus de tout ceci, laisse couler les paroles de Dame Isil, de toute façon, tu resteras une ratée tout ta vie, à l'existance insignifiante"

Alaherenn sentit ses joues rougir et Maeliss en se redressant parée de son éternel petit sourire, prit cela pour de la gêne, se confortant dans le fait que ses paroles avaient eu l'effet qu'elle désirait. La préceptrice approuva de la tête et rappela la jeune femme à ses travaux qui les reprit après une légère révérence.

Mais ce n'était pas de la gêne, ce n'était pas de la tristesse sur la véracité du murmure qu'elle venait d'entendre, c'était de la colère, de la haine débordante pour cette vie dans son entierté, pour ses soeurs, sa famille, le carcan où elle était née et vouée à se débattre sans résultats jusqu'à ce que mort s'en suive après une agonie interminable. Elle se leva donc, gauche après les manières de Maeliss, posa sa broderie inachevée et tâcha de ne pas se précipiter vers la porte, de ne pas la faire exposer de son pied, aussi les quelques pas qui l'y conduisirent semblèrent interminables et d'autant plus pesants par l'accablement des regards qui pesaient sur ses épaules.
Une fois dans le couloir, elle se mit à courir, manquant renverser des serviteurs qui n'osèrent l'en réprimander après l'avoir reconnue. Elle courut de toute ses forces, tenant sa robe pour ne pas s'y prendre les pieds et ne s'arrêta que lorsqu'elle se fut enfermée dans sa chambre, loquet clos, souffle court.
Elle éclata en sanglot, hurlant à l'intérieur d'elle-même, incapable de se résigner en silence devant le destin funeste qui refermait ses serres sur son être.

Un sifflement à peine perceptible lui fit lever la tête. Elle se fixa sur un point sous une commode, caché dans l'ombre, ne laissant percer que deux petits yeux noirs qui reflettaient la lumière de la fin de journée. Elle avança à quatre pattes, ne pretant aucune attention à froiser sa robe sous ses genoux, focalisée sur cette présence dans sa chambre. Elle vint se planter en tailleur, penchée vers l'avant devant la commode ou plutôt vers le vide qui règnait en dessous, vers l'autre chose vivante qui était enroulée en spirale et la fixait sans ciller.

"Bonsoir Boue" dit-elle doucement.

Elle tendit une main qui temblait encore, sous l'effet des sanglots, sous l'effet de l'appréhension et une toute petite tête rouge émergea vers la lumière. Une petite langue fourchue en sortait régulièrement et elle s'arrêta à distance de la main, laissant son corps se dérouler d'un mouvement fluide. La tête bondit alors soudainement et enfonça deux minuscules crochets dans la paume de l'elfe qui grimaça de douleur. Pourtant, elle ne se retira pas, elle ne se facha pas et laissa la créature se tortiller un moment, accrochée à elle, jusqu'à ce qu'elle se calme d'elle-même et lache prise. Alaherenn sourit alors, chuchottant des paroles rassurantes. Boue était une de ses plus chères amies, la seule qui ne la critiquait pas, qui se montrait telle qu'elle était réellement, sans faux semblant, sans hypocrisie et elle rôdait dans la grande chambre sans jamais vraiment chercher à la quitter. Parfois, l'enfant lui ramenait des restes de son repas qu'elle avait pu dissimuler dans ses robes, mais elle était invariablement accueillie par des morsures, heureusement non vénimeuses.

Alaherenn esquissa un petit sourire malicieux. Elle prit Boue et la dissimula dans un châle épais, la pressant contre sa poitrine avant de ressortir de sa chambre en trombe, une idée terminant de germer dans sa tête.

La nuit-même, elle fut éveillée par un cri strident alors qu'elle dormait, mal, dans son lit. La voix de Maeliss retendit dans toute la maison et leurs frères, père et serviteurs accourèrent dans le couloir des chambres des femmes, alertés et paniqués, pour trouver la jeune femme debout sur une chaise, la robe relevée, la chevelure emmèlée et l'air au bord de la crise de nerfs. Alaherenn sourit dans le noir de la nuit et garda les yeux fermés, savourant le remue-ménage qu'était capable de créer un tout petit serpent ...
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Message  Tarà Mer 10 Juin - 20:25

Alaherenn trébucha d'une racine et s'étala dans l'herbe fraiche dans un juron. Ses yeux étaient rougis, sa joue gauche aussi; les premiers à cause des larmes, la seconde par la giffle que son père lui avait envoyée. Elle voulut se redresser et se crispa sous les blessures qui brulaient ses mains, elle se les frotta en tâchant d'ignorer la douleur qui ne faisait qu'empirer. Sa robe claire était désormais encrassée, la fine bodure cernée de fils d'argent déchiquetée, ses cheveux noirs de jais réduits au plus court dans un état innommable.

Elle les avait coupés elle-même quelques heures auparavant avec un couteau qu'elle avait subtilisé aux cuisines, sa mère avait été aussi horrifiée que si elle avait trouvé la maisonnée entière sauvagement assassinée et son père l'avait mise au sol d'une giffle remarquable. Il avait craché des injures et plaidé la folie de sa fille, enrageant de voir son imagination débordante lorsqu'il s'agissait de devenir la risée de toute l'aristocratie. Leur réaction, elle s'y était attendue bien sûr, ils n'allaient pas la féliciter, c'est pourquoi elle laissa les cris couler sur son armure d'indifférence. C'était autant pour eux, pour la colère que son action engeandrerait que pour son propre plaisir qu'elle avait entaillé sa longue chevelure et lorsqu'elle bougea, ce fut contrainte et forcée, la joue vibrant d'une douleur sourde. Son père la toisait de toute sa hauteur, comme si elle avait été un ennemi agonisant à ses pieds, il n'ajouta rien et lui désigna la sortie de la maison.

Alaherenn n'avait encore que dix ans.

Elle s'était donc redressée, ne lachant pas un pouce de terrain, son regard flamboyant d'une insolence farouche et avait pris la porte d'un pas assuré alors que sa tête bourdonnait encore.

Elle marchait depuis un bout de temps, toujours tout droit, elle s'était enfoncée dans les Bois des Chants Eternels, dans un coin où personne ne venait jamais, trop perdu, sombre, escarpé. Elle était tombée trop de fois pour avoir compté, ses mains étaient écorchées, sa robe en lambeaux et les larmes continuaient à couler. Elle ne voulait plus rentrer, elle irait seule désormais, qu'ils aillent tous aux démons, elle s'en fichait, elle serait bien mieux seule.

Elle perdit une ènième fois l'équilibre sur une roche et sombra dans une ravine. La pente n'était pas raide, mais elle chutait sans s'arrêter et la panique fit hurler son sang jusque dans le bout de ses doigts, elle tentait de s'agripper à tout ce qu'elle touchait; la terre, les pierres et les racines entaillaient sa peau sans pitié sans lui offrir la moindre main secourable. Elle poussa un cri continu, expression de sa douleur et de sa crainte, avalant poussières et gravats par la même occasion, jusqu'à s'arrêter brutalement au fond de la cuvette privée de la lumière du soleil couchant.
Elle pleurnicha tout en faisant l'étendue des dégats, elle était en miette, sa robe en loque, sa peau noire de terre et un milier de choses craquaient sous ses dents alors qu'elle les crachait avec dégout.

Un son à son oreille.
Elle s'immobilisa et se tint coite, seule son oreille remua.
Elle eut un sursaut en voyant qu'au fond de trou se trouvait une autre créature qu'elle à la présence tout aussi improbable.

Un félin.
Blessé.
Elle se recula maladroitement avec un gémissement craintif en regardant la bête de ses yeux grands ouverts. Apparement, elle était blessée, car elle ne put se relever malgré l'envie qui semblait la presser mais continuait à grogner sur l'enfant.
Les deux êtres se regardèrent un moment sans prendre l'initiative de quoique ce soit et Alaherenn finit par avoir conscience de sa respiration halletante lorsque le félin cessa de grogner. Il commença à lêcher une plaie à son flanc sans plus se préoccuper d'elle et cela la décida à se reprendre pour tenter d'approcher. Elle tremblait, mais seulement des conséquences de sa chute, elle n'avait pas ... totalement peur.
L'animal voulut se redresser en voyant la fillette s'avancer mais n'en semblait pas plus capable qu'à l'instant précédent. Il se contenta alors de recommencer à grogner. Alaherenn essaya d'absorber le recul qu'elle eut par reflexe et avança à quatre pattes, relevant la main une fois à portée avec toute la douceur et la lenteur dont elle était capable. Ils ne se quittaient pas des yeux, étudiant leurs réactions mutuelles, tout défilant au ralenti.
Arriva le contact.
Alaherenn laissa sa main se perdre lentement derrière l'oreille du félin qui ne broncha d'abord pas, laissant finalement son cou s'allonger pour accepter la caresse. L'enfant laissa fleurir un sourire sur ses lèvres.

Elle laissa son corps s'adapter à cette nouvelle promiscuité et s'accroupit en face de son compagnon d'infortune, intensifiant la flatterie. Une fois le contact bien accepté, elle regarda la blessure plus attentivement sans se permettre d'y toucher tandis que son propriétaire roulait sur le côté en ronronnant. Un coup d'épée ou de lance, une arme tranchante qui était passée à peu d'un point vital.

Elle se passa la langue sur les lèvres avant de commencer à parler, des mots rassurants, appaisants, elle promit d'aller chercher de quoi le soigner, de l'eau et de la nourriture, qu'elle reviendrait vite. Elle ne se préoccupait pas de savoir si la félin la comprenait, elle savait juste qu'il ne se remettrait pas si simplement et qu'elle devait l'aider. Il coucha sa joue au sol et soupira avant de fermer les yeux. Elle n'attendit pas plus pour se redresser et trouver un accès pour sortir de la ravine. Tout en remontant, elle sentait toute colère la quitter, la giffle, la crise, tout ça n'avait plus d'importance devant la nouvelle tâche qu'elle s'était assignée et elle allait la remplir de tout son coeur ...
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Message  Tarà Jeu 25 Juin - 17:37

Alaherenn releva sa fine robe sans même afficher une grimace d'agacement pour une fois, et dévala les escaliers qui menaient aux jardins ouest de la maison Su'en. Une fois en bas, elle plaqua en arrière ses courts cheveux noirs, geste qui devenait de plus en plus régulier et inconscient. Ses petits chaussures de vair s'enfonçaient dans l'herbe gorgée de rosée qui renvoyait les premiers rayons du soleil levant en de milliers de petits arcs-en-ciel sur les colonnes immaculées marquant la fin du jardin et le début des Bois des Chants Eternels. Les chants des oiseaux s'ajoutaient à ceux des jeunes faucons-dragons pour le salut quotidien du début du jour; les murmures des bruissements d'ailes des libéllules et autres insectes procuraient le fond de la mélodie qui ne souffrait d'aucune interruption, flottant dans la légère bruine qui couvrait encore le sol.

"Où vas-tu comme ça si tôt ce matin soeurette?"

Alaherenn se retourna vivement alors qu'elle allait franchir les limites du jardin. Un de ses frères aînés se tenait debout au milieu des marches qu'elle avait descendues un bref instant plus tôt, bras croisés et le regard désapprobateur. Reihou était celui qu'elle préférait de tous dans sa famille, avec Cassandre, sa grand-mère maternelle. Il avait attaché ses cheveux roux mi-long à l'arrière de sa tête à la va-vite, ses pieds étaient nus et sa tunique blanche finement brodée montrait qu'il était sorti tel quel de son lit.
Elle lui adressa un petit sourire malicieux en pivotant vers lui.

"Pas très loin, grand frère, je serai de retour pour le petit déjeuné, je te le promets. Si on te demande, tu ne m'as pas vue.
-Mais enfin, qu'est-ce que tu fabriques? Cela fait quatre jours que tu sorts à l'aube pour aller je ne sais où ...
-Si tu gardes le secret, je te raconterai, d'acc?"

Il se contenta d'hausser les épaules en soupirant. Il avait arrêté d'essayer de raisonner sa cadette depuis bien longtemps. Il n'avait pas cet orgueil méprisant, cette façon de se poser comme être supérieur même s'il la réprimandait lorsqu'il l'estimait nécéssaire, il pouvait rire de se frasques, écouter ses petites aventures, il avait cette aura douce et pleine de compéhension que sa petite soeur aimait tant. Mais il avait surtout la sagesse de ne pas se laisser entrainer et demeurait dans les bonnes grâces de leurs parents, irradiant de la Lumière qu'ils chérissaient tant et voué à entrer prochainement en formation de paladin.

En notant sa réaction, la jeune elfe tourna les talons et lança un rire cristalin dans sa course avant de disparaitre entre les arbres.
Elle commençait à bien connaitre le chemin vers la ravine et sautillait comme un petit cabri en retenant sa robe, doubla la percée qui donnait sur le fond sans qu'elle doive glisser dans la terre. Le félin redressa les oreilles lorsqu'elle déboula à ses côtés en clamant ses salutations à travers son grand sourire, il n'avait pas encore bougé de sa position et se contenta d'un large baillement.

Alaherenn commença par sortir un gros jambon qu'elle avait chapardé aux cuisines et entreprit de refaire le bandage d'Ombre. Ombre était le nom qu'elle avait donné à son nouveau protégé, car sa robe était aussi noire que la nuit, et les reflets qui y dansaient, aussi brillants que les étoiles. Elle avait tenté une approche de la plaie deux jours auparavant et la bête l'avait laissée faire sans la quitter de ses yeux vigilents. L'enfant s'était appliquée comme elle avait pu et amené des bandes déchirées d'un de ses draps immaculés.
Cette fois encore, elle nettoya la blessure avec de l'eau claire et mit un nouveau bandage pendant qu'Ombre lêchait son jambon d'un air paisible.
Elle se releva d'un air satisfait une fois le labeur terminé et s'arrêta net avant de frotter ses mains tâchées de sang à sa robe claire, lui préférant le dernier tissu propre.

"Quelques jours à peine avant de pouvoir remarcher j'en suis sûre!" dit-elle en souriant.

Le félin releva les yeux vers elle, puis, sa formidable machine musculaire entra en branle. Lentement, maladroitement, Ombre se mettait debout sur ses quatre pattes, peinant sous la douleur mais n'abandonnant pas pour autant. Une fois suffisament stable, il entâma quelques pas avant de faire volte face vers Alaherenn. Celle-ci laissa s'étirer un large sourire enchanté sur ses lèvres, mais alors qu'elle allait lancer un encouragement enthousiaste, Ombre pencha la tête vers l'avant et ferma les yeux. Une liane éthérée se forma comme une brume autour de son corps et virvolta dans un ballet de lucioles vertes de plus en plus rapides. Le félin sembla se relever et grandir, devenir deux à trois fois plus haut que sa jeune soigneuse; sa carrure s'élargit considérablement, son poil fin et luisant devint plus rêche, plus drus, fromant une crète sur le haut de sa tête; celle-ci s'applatit et au-dessus de ses oreilles élargies elles aussi, des cornes imposantes s'étirèrent vers l'avant, se finissant en pointes usées. Ses pattes arrières, auparavant armées de griffes et de coussinnets présentaient des sabot de deux gros ongles, alors que ses pattes avant prenaient la forme de mains grossières à trois doigts.

L'étranger qui avait été Ombre un instant auparavant s'ébroua et souffle à travers ses énormes nasaux avant de poser ses petits yeux noirs sur l'enfant. Celle-ci avait reculé d'un pas et était tombée au sol, ne remarquant même pas la froideur de la terre encore humide sous la finesse de sa robe. Elle avait les yeux ronds comme des billes et gobait les mouches de sa bouche entrouverte.
La voix grave et paisible de l'étranger résonna dans la combe, mais les mots étaient inconnus à l'elfe, tout autant que sa langue, elle n'en sentait que la douceur et la quiêtude. Il s'avança de ses lourds sabots et s'arrêta devant elle, lui tendant la main pour la relever dans ce qu'elle interprêta comme un sourire bienveillant.
Elle leva la main mécaniquement, c'était trop surnaturel, trop inattendu et cette chose était si ... imposante. Elle fut remise sur ses pieds comme si son poids avait été semblable à celui d'une fleur et baissa un peu le regard sur l'endroit où devait se tenir la plaie, désormais dissimulée sous un pourpoint de cuir en plus du bandage.

L'étranger suivit son regard, ses mouvements étaient lents et épousaient son attitude générale d'un calme harmonieux, il releva une de ses mains et prononça de nouveaux mots incompréhensibles. Une nouvelle magie naquit et pénétra le vêtement sous les yeux toujours aussi ébahis d'Alaherenn.

Elle découvrit ensuite que la blessure n'existait plus que dans sa mémoire ...
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Message  Tarà Ven 14 Aoû - 4:27

Un pain de seigle dissimulé dans un tablier clair, une large cape d'un vert foncé à l'instar des forestiers dont la capuche ne laissait entrevoir que sa fine bouche rosée, une assurance que personne ne remarquait son absence et la voila qui se glissait à nouveau dans les bois, tâchant de se faire aussi furtive qu'un serpent, aussi légère qu'une plume, aussi preste qu'un talbuk et aussi vigilente qu'une chouette. Le crépuscule succèdait à ce que l'on appelait "l'instant magique", ce moment de la journée où l'air lui même semble s'arrêter pour contempler les couleurs pastelles qui éclaboussaient le ciel alors que le soleil disparaissait à l'horizon un battement de cils auparavant. L'obscurité s'insinuait partout sans un bruit, accentuant les ombres déjà présentes et engloutissant lentement tout le reste; déjà, sous les arbres, le clareté se faisait relative mais Alaherenne aurait retrouvé son chemin les yeux fermés. Il faisait sombre et les lucioles commençaient déjà leur ballet sur le feuve qui serpentait à travers les Bois des Chants Eternels lorsqu'elle déboula dans la ravine encore une fois.
L'Etranger qui y demeurait depuis qu'elle l'y avait trouvé avait encore du mal à se mouvoir parfaitement, de ce qu'elle en avait compris, il était déjà vieux, et portait le nom de Harra Sabot-de-Pierre. Pour une raison qu'elle ne comprenait pas, il avait nié son nom lorsqu'elle le lui avait offert en échange du sien; malgré leur difficulté à se comprendre, ils mettaient du coeur à essayer de communiquer, lui par sa patiente qui semblait plus infinie que la mer elle-même, elle par sa curiosité non moins galoppante que les vagues qui la couvrait. Il l'avait conviée à le rejoindre cette nuit, et n'avait voulu lui expliquer pourquoi.

Lorsqu'elle arriva, toute l'atmosphère était différente, il règnait une magie verte, quelque chose d'enîvrant et d'appaisant dont elle se rendit compte avoir une soif intense et cette source la désaltérait pour la première fois. Tout son corps, son esprit et son âme se laissèrent haper avec plaisir par cette ambiance flottante qui mit fin à l'ardeur de son coeur encore bondissant sous l'effet de sa course. Elle s'approcha et posa le pain près de la couche de l'Etranger. Tout était orienté de manière circulaire sans qu'elle comprit vraiment pourquoi le cercle était la forme qu'elle lui aurait donné, la ravine avait une forme chaotique, tout était éparse et sans ordre pourtant elle n'y voyait qu'un cercle ... non ... plusieurs cercles, sur plusieurs plans ... et Harra était en bordure du plus étroit.

Il l'invita à s'approcher d'un mouvement lent, jamais encore elle ne l'avait vu brusque ou saisissant, il épousait le sereinté de l'endroit qu'il avait fait sien, provisoirement, éternellement. Elle s'approche, de plein gré et de force à la fois, tout semblait dicté, un rituel qu'elle subissait autant qu'elle y aspirait à tant de niveaux de son être dont elle ne soupçonnait pas l'existance. Il la fit s'asseoir au centre de tout, orientée vers l'est et lui tendit un étrange objet, allongé, portant une partie plus importante à l'autre bout qui fumait paresseusement. Elle l'examina de prime abord, en admira humblement le travaille finement exécuté, orné de petites plumes, de cordes colorées, un art si éloigné de celui des siens, mais pourtant admirable et impressionnant. En tournant son regard vers l'Etranger, il lui signifia qu'elle devait inspirer depuis l'autre extrémité. Elle le dévisagea un bref instant avant de humer la fumée et d'en éternuer, ce qui fit rire son protéger. Il lui réitéra son invitation à aspirer l'intérieur de l'objet et elle s'exécuta, prenant une intense bouffée.

Elle ne se sentit pas lacher le calumet. Elle se sentit pas tomber non plus, elle se sentit glisser, comme si elle sombrait dans une eau qu'elle pouvait respirer, comme si toute notion de temps ou d'espace n'existait plus. Elle-même n'existait plus, elle avait l'impression que son corps, que son essence se répandait tout autour d'elle, elle n'existait plus en tant que personne, mais en tant que partie d'un tout, elle était tout, et le tout était elle. Tout ce qui avait été sa vie n'était plus qu'un petit point sur une toile, futile, lointain, dénué de sens. Elle glissait, glissait ...
Jusqu'à ce qu'elle entende une voix.
C'était une voix profonde, grave, elle la connaissait, sans savoir à qui elle appartenait et sans savoir d'où elle venait. Elle la comprenait.

"Où es-tu? demanda la voix"

Alaherenne prit le temps de chercher à voir ce qu'il y avait autour d'elle, elle ne saisissait pas l'utilité de cette question, mais se sentait l'envie de lui répondre, et de lui répondre juste.

"Je suis dans un monde proche du sol, dans le sol aussi, je caresse la terre de tout mon être ... mais le sol se tourne ... non il n'existe plus, je sens le vent tout autour de moi, c'est lui qui me caresse, je l'entends siffler ...
-Comment te sens-tu?
-Je me sens ...."

Comment décrire cette sensation qui la submergeait? C'était trop pour son coeur qu'elle sentit vouloir sortir de son corps pour voler avec le vent. Elle voulait se diffuser partout, courtiser les étoiles et rire avec l'écume qui trônait les vagues de la mer, elle voulait se coucher sur le sable et sauter d'un mont à un autre, elle voulait onduler entre les arbres d'une forêt dense et courir avec de grandes bêtes qui chevauchaient dans la plaine. Elle voulait ...
Elle ne sentait pas les larmes couler sur ses joues.

"Je me sens libre, dit-elle dans un murmure qui débordait d'émotion.
-Lorsque je frapperai dans les mains, tu me rejoindras."

Un claquement résonna dans sa tête et fit vibrer son corps, alors elle s'éveilla, elle se sentait lourde, maladroite. Il lui fallut un instant pour reprendre conscience de la réalité, mais sa tête continuait à tourner, tourner comme dans une bourrasque. Quand ses yeux se furent à nouveau habitués à la pénombre, elle constata que la nuit était omniprésente tout autour d'elle, mais surtout, que tout avait changé dans la ravine. Tout semblait avoir été soufflé, comme si la bourrasque avait été tourbillon et qu'elle avait prit naissance de son corps même, au centre de tout, et avait soufflé tout ce qui pouvait l'être. Même Harra était plus loin que la bordure de son cercle, balayé, ses poils en bataille.

Elle ouvrit grand les yeux, l'air ahurie, pas encore tout à fait redescendue sur terre et les posa sur lui.
Il la pointa du doigt et ne prononça qu'un seul mot, lourd et solennel.

"Tarànis"


Le lendemain matin, lorsqu'elle s'éveilla dans son lit, le souvenir de l'avoir regagné était encore un peu confus et lorsqu'elle s'approcha de la fenêtre pour en ouvrir les fins rideaux, un objet trônait sur son appuie-de-fenêtre. Une sculpture en bois, taillée grossièrement, sans charme en apparence, mais lorsqu'elle la toucha, l'enfant se sentit différente, elle donnait vie à l'oeuvre et après l'avoir retourné entre ses petites mains claires, elle la devina.

C'était un serpent ailé qui dressait sa tête vers le ciel ...
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