Sur les sentes de l'esprit...

La flétrisseuse avait requis sa pratique de l'art noir, la tâche, au demeurant aisée, allait s'avérer retorse...
Elle prépara le rituel des ombres, à l'intérieur du cercle thaumaturgique orné des glyphes de la scrutation. Lentement, elle ouvrit son esprit afin de chevaucher l'éther du vide distordu pour atteindre l'image de la chasseresse Taranis. Son commandant avait ordonné de l'épier, elle le ferait...peu importe les motivations avancées, cela ne la concernait pas.
Le premier soir fut un échec, l'esprit de la Maitresse du serpent volant était fuyant, indomptable, il se contorsionnait à l'image de son familier, la prêtresse abandonna, épuisée. Le lendemain, elle établit un contact, fugace, cernant un peu les images psychiques laissées par Taranis, mêlées d'instincts animal et de sens exacerbés par le lien spirituel avec la bête cracheuse de foudre.
Un peu désorientée par l'afflux des odeurs et des pensées animales, elle pris le temps d'isoler l'esprit de la chasseresse afin d'y fixer son focus télépathique...
Au loin, Taranis marqua un temps d'arrêt, le serpent cracha de colère...quelque chose s'insinuait dans son esprit, une présence psychique étrangère non requise!

Tarànis se stopa net avant de sauter d'une colline dans le Mulgore. Thrascias à ses côtés s'agita nerveusement et cracha une décharge furieuse dans le vide. L'elfe redressa la tête vivement et scruta de tous ses sens les vents qui balayaient la plaine, l'air était chargé d'ôdeurs sauvages, l'herbe haute, quelques grins de sable de Tarides, elle entendait les rires des longues courses dans les canyons de Mille Pointes, les chuchottements des frondaisons de Féralas, ... Elle remit négligeament une mêche de cheveux trop longue derrière son oreille, faisant tinter une chainette d'or reliant deux anneaux; hormis l'ôdeur des taurens encore lointaine, celle des animaux qui foulaient son entourage, il n'y avait rien. Elle regarda autour d'elle avant de fermer les yeux, cherchant à tout prix d'où venait cette présence inhabituelle, elle percevait Thrascias se tordre sur le sol, mais tâchait de ne pas le laisser la perturber.
Elle avait quitté Anyndel avant la fin de la nuit, elle savait à quel point il était dangereux de rester près de lui, surtout alors qu'elle se savait surveillée. Falraïnä s'était jointe aux promesses de représailles envers quiconque couvrirait son maitre et devant la foule de pensées qui s'étaient bouscullées en elle, il avait été impossible de donner une affirmation claire sur ses agissements futurs. Elle avait été reléguée au rang des suspects, aux moins par l'ordre des Fils de Quel'Thalas et des Coeurs de sang, et c'était déjà plus qu'assez pour la mettre sur ses gardes. Elle espérait sincèrement ne pas avoir son propre clan sur le dos ...
Elle n'entendait rien à la thélépathie, à la moindre forme de communication magique, runique ou autre que celle de la parole, elle ignorait donc ce que pourrait savoir quelqu'un qui entrerait ainsi dans sa tête.
Tarànis ouvrit les yeux et les posa sur son esprit-gardien qui avait cesser ses contorsions chaotiques et la fixait en retour. Quoique ça puisse être, qui que cela puisse être, elle devait veiller à ce que cela ne la trahisse pas, elle n'osait penser aux conséquences pour ceux qu'elle protégeait ... sans parler de celles qui la menaçaient elle-même.
Elle tendit le bras pour reprendre Thrascias en elle, aspirant sa forme pour ne plus laisser qu'un souvenir du serpent-des-vents dans les bourrasques de la plaine. Elle espérait que cela brouillerait son esprit suffisament le temps qu'elle trouve une solution plus sûre, plus radicale.
Elle tourna les talons et prit le chemin des Tarides, d'Orgrimmar, puis de Lune d'Argent ...

La défunte Marie Omerstill, ancienne inquisitrice de la Croisade écarlate revenue d'entre les morts comme réprouvée massa longuement ses tempes. La chasseuse avait subitement quittée les plaines taurennes pour gagner la cité sindorei berceau des elfes de sang en toute hâte. Une telle hâte n'augurait rien de bon. Au troisième jour, les perturbations arcaniques de Lune d'Argent et la fatigue lui firent rompe le contact avec sa cible. A cet instant, elle aurait dû toute raison garder, et s'accorder du repos, mais la flétrisseuse attendait des résultats. Elle tenta de reprendre contact, la chasseresse était prés d'elle, dans le même confinement de la cité elfique, le contact fut puissant, invasif et bref : l'esprit animal de la chasseresse la repoussa , verrouillant sa psyché instinctivement. Dans la tentative de la prêtresse pour s'accrocher à sa proie, elle négligea ses défenses. Taranis eut alors comme un flash, un visage blafard, celui d'une réprouvée qu'elle avait aperçue dans les rangs des déchus lors du rassemblement pour l'assaut sur La Porte du Courroux. Elle avait une certitude, la présence qui la hantait depuis trois jours était liée à la prêtresse, pourquoi? comment? seul un adeptes des arcanes saurait répondre à ses questions, et les sanctums de Lune d'Argent regorgeaient d'érudits...
De son côté, la prêtresse écrivit cette courte missive à l'attention de Falraïna :

Taranis arrivée Lune au troisième jour. Aies perdu contact, probablement repérée par la spectre. Tenterais scrutation télépathique demain après du repos.

Sephirath

Tarànis recommença à gratter le rune, son bras était en sang mais elle en sentait toujours l'effet. C'était comme avoir été marquée au fer rouge, un animal ne pouvant se soustraire à son appartenance à quelqu'un, aussi libre de ses mouvements soit-il.
Falraïnä l'attendait à Lune d'Argent lorsqu'elle y arriva. Elle s'était couverte de noir de la tête aux pieds et n'avait pas redonner sa forme à Thrascias, sachant que cela la trahirait au premier coup d'oeil; mais cela n'avait pas suffit à passer totalement inaperçue et elle avait été obligée d'affronter la Flétrisseuse.
Elle continuait à donner le change, ne surtout laisser aucune faille qui démontrerait qu'elle mentait et lorsque Falraïnä la prit pour sonder son esprit, Tarà sut qu'un refus équivaudrait à des aveux.
Elle avait passé la nuit précédente à discuter avec son maitre hors-la-loi et elle n'avait pas dormi depuis; le manque de sommeil ne la perturbait pas trop encore, mais elle aurait aimé être au sommet de sa forme. Elle sentait les méandres insondables de l'esprit de Thrascias en elle, pourtant cela n'allait pas suffir ...
Elle sentit la main froide sur sa tête, commencer à fouiller, à chercher des informations très précises et l'elfe plaqua ses mains sous ses cuisses pour eviter de montrer qu'elle tremblait. Shalden fit irruption dans la pièce à ce moment, perturbant un bref instant la résistance de Thrascias et la sienne, mais ils étaient forts, ils avaient déjà traversé beaucoup d'épreuves et leur lien était bien rôdé, la résistance continua, bravant le trollesse et l'empêchant de parvenir à ses fins. Shalden tenta de s'interposer. La Flétrisseuse ne démordait pas de ses soupçons et la seule alternative qu'il resta à Tarànis fut d'accepter l'apposition de la rune, celle qui piétinerait définitivement sa liberté et ce jusqu'à ce que son maitre ne soit arrêté.
Elle était folle de rage, elle sentait Thrascias se tortiller dans sa tête et la migraine poindre sans prévenir. L'elfe aux cheveux d'or tenta de la retenir, Falraïnä rangea son instrument et Tarà activa son déchiqueteur dimentionnel. Elle devait sortir d'ici, laisser sa colère s'exprimer avant d'avoir vraiment envie de tuer quelqu'un, une tornade grondait en elle et elle ne sentait même plus cette impression qu'une personne extérieure désirait lire en elle.
Elle arriva sans problème à Long-Get dans le Berceau-de-l'hiver dans l'instant qui suivit.
Le vent froid qui soufflait et le soleil qui dansait sur la neige fraiche au sol appaisèrent ses ressentiments, elle prit le temps de marcher un peu, s'enfonçant jusqu'à mi-cuisses parfois dans le grand manteau blanc, elle écouta les fougueuses bourrasques glacées chanter, les flocons comme des choeurs rendant la mélodie envoutante et rassérénante. Elle voulut laisser ses pensées dériver, mais très vite, elle sentit à nouveau la présence dans sa tête, Thrascias continuait à lutter sans relache, bien plus puissant que s'il avait eu une forme tangible, car il était esprit avant d'être serpent-des-vents. Puis, la rune se rappela à son souvenir, et elle semblait comme une chaine indestructible la reliant à Falraïnä. Les vents du nord ne purent balayer la nouvelle vague qui monta en elle.
Elle devait se débarasser de ces deux entraves.
Pour ça, elle ne voyait que deux personnes suffisament puissantes, Khalys, toute puissante prêtresse de la lumière et Enteri, son chevalier de la mort. Elle regagna Lune d'Argent sans se retourner, continuant à lutter contre les forces qui crachaient sur sa liberté. Elle commençait à gratter la rune qui, sans lui faire un effet particulier, l'obsédait à la rendre folle. Lorsqu'elle passa par Fossoyeuse, elle sentit un nouvel assaut et cette fois, sa réaction violente, décuplée par sa folie montante, lui offrit l'image d'une Réprouvée ... qu'elle connaissait.
Son nom lui échappait, mais son ôdeur lui piquait le nez même sans qu'elle ne soit à proximité. Ainsi Fal utilisait les grands moyens ... Tarànis serra les dents et entreprit de gratter la rune plus frénétiquement. Elle ne la supportait plus, elle devait partir ... La Réprouvée resta à distance après ce contact non désiré, mais le mal était fait et l'insanité de l'elfe continuait à monter sans aide désormais.
Elle parvint jusqu'à la chambre de Khalys dans l'auberge, mais il n'y avait personne. Elle se prostra dans un coin du couloir, ne prêtant aucune attention aux rires qui s'élevaient de la salle. Elle était épuisée, uniquement tenue éveillée par sa colère et son obsession. Elle continuait encore à gratter la rune, son bras en sang sans que cela ne la préoccupe. Elle se rendit à peine compte que Shalden se tint à ses côtés, qu'il la fasse entrer dans la chambre pour y revenir plus tard avec Khalys. La prêtresse était son espoir, sa lumière et elle la supplia de retirer la rune et d'empêcher une prochaine intrusion de la complice de Falraïnä.
Une solution commença à se profiler ... mais Tarà devrait tenir le coup encore un peu ... elle savait qu'elle ne dormirait pas tant qu'elle ne se saurait pas en sécurité et libre à nouveau ...

Falraina avait tout prévu, Maitresse des runes nécromantiques, de sang, de givre, de mort et impie ... Ces quatre énergies melées ensembles, ainsi que sa propre énergie, il n'y aurait qu'elle qui aurait le pouvoir de défaire ces runes, et elle seule.
Elle avait prévu que Taranis tenterait de se les faire retirer, elle s'était liée a ces runes ... et si la flétrisseuse venait a mourir, Taranis garderait ces runes a vie. Toute magie étrangère a celle de Falraïnä sur les runes pourrait avoir un effet indésirable, pouvant empirer le cas comme faire exploser le bras de la chasseresse, la rendre malade ou pire ... Qu'elle se relève sous forme d'une non morte. (ceci n'est qu'un exemple de ce qui est risqué )
Elle recommençait a se sentir mal, le lien nécromantique rompu, son armure lui pesait a nouveau, elle recommençait a tousser, sa hache ne pouvait plus faire de ravages dans une situation pareille ... Tant qu'un traitre ne serait pas mort, tant qu'elle en serait pas guérie ... Au moins, elle aurait une suspecte a l'oeil. La méthode, elle s'en fichait que ce soit correct ou non.

Elle savait aussi que les criminels se réfugiaient souvent dans les territoires neutres ... Des gargouilles avaient été demandées a Acherus afin de survoler de très loin les villes gobelines et capitales de la Horde, que ce soit d'Azeroth, Kalimdor, d'outreterre ou de Northrend. Ces créatures avaient le regard percant et repereraient surement tout mouvement suspect.
Le descriptif de chacun des suspects avaient été transmis, Taranis y compris. Anyndel, Belgos, ces deux la seraient rapidement défaits.

Les ordres suivants avaient été transmis a Sephirath :

Cessez les investigations concernant Taranis. une méthode plus discrète et plus stratégique s'impose la concernant

Falraina.

La deux fois née s'éveilla de sa transe, ses forces reconstituées, et porta son regard sur la missive qui l'attendait. Elle parcouru le message des yeux puis secoua doucement la tête.

-Un commandant doit faire abnégation de ses petits problèmes personnels, la cause et le service de Sylvanas supplante tout!

Elle se demandait si la trollesse avait le profil d'un chef, ses derniers mots au chevalier déchu rencontré à Lune d'Argent : la chevalière s'était réclamé de la croisade argentée, cette même croisade sitôt le fléau abattu qui se tournerait vers les reprouvés à n'en pas douter. La prêtresse n'avait qu'une allégeance, celle à sa reine qui l'avait tiré du fléau, et la cause réprouvée ne souffrait aucune entorse. Si Falraïna ne s'imposait pas très vite comme un chef exalté par les desseins de Sylvanas, alors la prêtresse retournerait dans le giron de Fossoyeuse, prés de sa monarque immortelle.

Tarànis regarda son bras à nouveau immaculé et cette simple vue lui tira un léger sourire. Tout l'oppression, l'obsession qui l'avait dévorée en quelques heures à peine s'était envolée et elle se sentait libre à nouveau, s'enîvrant de cette sensation suave. Falraïnä abandonnait bien vite la partie, trop vite peut-être. La peste la dévorait, mais ce n'était pas le genre à démordre quand elle était persuadée de quelque chose. Tarà se maudit de ne pouvoir être plus convaincante sur son innocence ...
Elle resterait sur ses gardes, comme toujours, persuadée que rien n'était joué et que le jeu pouvait très bien se poursuivre. Qu'à cela ne tienne, elle se sentait plus forte de jour en jour et serait prête à contenir le prochain assaut, aussi sournois soit-il ...